Alors, comment se sortir de cette idée que Jean Claude Michéa avance que la gauche résout la pulsion libérale de nos sociétés? Le chemin est délicat, car, l’observation est juste.
Il faut introduire l’idée essentielle que tous les déterminismes ne sont pas égaux en matière de justice sociale et de construction du citoyen.
Cette métaphysique de papier qui niait les déterminismes est étonnamment peu raccord avec une pensée de gauche qui, elle plus que toute autre, sait combien les déterminismes triomphent de la plupart et combien, si l’on veut agir à gauche, il faut travailler à détruire les déterminismes négatifs à l’aide de déterminismes positifs – éducation, pédagogie, instruction, apprentissage, enseignement, initiation, etc. Car : déterminisme de l’inconscient – au sens de Nietzsche… -, déterminisme de l’histoire, déterminisme de la géographie, déterminisme économique, déterminisme sociologique, déterminisme familial, déterminisme culturel, déterminisme de classe, les occasions d’empêcher la construction du libre arbitre ne manquent pas. (Onfray, M., http://mo.michelonfray.fr/chroniques/la-chronique-mensuelle-de-michel-onfray-n%C2%B0-60-mai-2010/)
On voit donc que l’appel de la pensée de gauche à combattre les déterminismes – identifiés — négatifs peut alors faire front commun, momentanément, avec le capitalisme progressiste vu par Michéa : leur volonté commune de dissoudre certains déterminismes les unis. Et historiquement, c’est pas mal ce qui s’est passé : la politique mitterrandienne s’allie à son adversaire libéral pour en tirer la puissance nécessaire pour rééquilibrer la société, défaire le gaullisme et infuser la pulsion libérale. C’est un peu ce que tente de faire aussi le gouvernement Hollande avec un succès peut-être un peu moins probant.
Cependant, l’alliance libéralisme-gauche doit maintenant s’achever. Il est même tard pour le faire, car le débat politique s’est en fait transformé. L’opposition canonique gauche droite n’est maintenant plus le seul axe de choix politique, il faut maintenant lui adjoindre une nouvelle dimension qui est le libéralisme contre l’interventionnisme. L’apparition de la gauche libérale pose la question de la volonté de renforcer ou non la puissance de l’État. La pensée de gauche doit donc s’allier conceptuellement et stratégiquement avec son ancien adversaire (la droite anti libérale) pour contrebalancer l’élan qu’elle a participé à donner au libéralisme.
Des mouvements comme les indignés, les 99%, ou les participants à la simplicité volontaire sont dans cette optique de retour vers la droite. Attention, ils ne sont pas de droite, mais, de la même manière que la gauche à tenter d’infuser le libéralisme pour le ralentir et en tirer parti, elle se mélange maintenant avec des concepts d’économie locale, rationalisée, de ralentissement du progrès, de protectionnisme et d’artisanat, qui sont les apanages de la politique gaulliste. D’ailleurs, la difficulté de ce processus est renforcée par l’absence totale de droite non libérale dans le paysage politique (québécois et français). Pire encore, le discours anti libéral se retrouve confisqué en partie par les extrêmes… La situation devient inextricable.
Nous devons sortir, momentanément le politique de la politique parce que la solution de la gauche alliée à la droite n’existe pour le moment pas dans le paysage. Ça ne veut pas dire s’abstenir ou ne pas voter. Au contraire. Cela signifie plutôt de chercher des solutions ailleurs que dans les gouvernements en place, chercher activement à élaborer les nouveaux concepts dont nous aurons besoin pour agir dans un futur proche.
Il faut aussi admettre ce nouveau front, très contre-intuitif, d’alliance droite-gauche contre le libéralisme qui semble être la seule voie viable pour sortir de la crise actuelle. La nouvelle conception de la gauche aura donc une partie de droite en elle. En quelle proportion? L’avenir le dira, mais j’espère que nous garderons à l’esprit l’histoire de la gauche libérale et de ses alliances…
