Sunk : David Calvo et Fabrice Colin, Les Moutons Éléctriques, 2005

Il est des livres qui vous laissent dans une ambivalence folle. À la limite du supportable même. Ben, Sunk m’a fait cet effet-là. C’est comme courir nu dans un cours d’art plastique poursuivi par une bouteille de Schnaps géante en espadrille en hurlant la 9e de Beethoven : ça peut très bien avoir un certain rapport avec quelque chose (qui m’échappe probablement) où simplement être un foutage de gueule intergalactique… La seule attitude rationnelle est de se tenir le menton, se barrer le front d’une ride soucieuse et écrire ses états d’âme sur son blog.
Preuve est faite que je suis un être rationnel. Voilà finalement une bonne nouvelle.

Le quatrième de couverture annonce la couleur :

Sunk est un monde qui coule. On ne sait pas très bien si c’est l’eau qui monte ou si c’est l’île qui descend, mais soyons honnête, ça ne change pas grand-chose au problème : les habitants paniqués grimpent vers des hauteurs toujours plus étroites et mal fréquentées, et le processus de destruction suit inexorablement son cours.

Ambiance pratchetienne oblige, les personnages sont des variations crétines d’archétypes de la fantaisie. On retrouve l’amazone exhibitionniste, le nain facétieux, le barbare monosyllabique, le psychopathe psychotique, etc. Tout ce beau monde entre dans une course contre la noyade et traverse de part en part l’île de Sunk.

Tout cela pourrait donner quelque chose de vraiment bon. Et il faut reconnaître que certaines idées sont vraiment géniales : la ville où les morts se prennent pour des vivants et inversement, le culte du Roi Canard, l’attaque des orques (les poissons pas les bestioles vertes dégoûtantes) en T-shirts roses dans un lavomatique… mais globalement, le récit manque de cohésion. Ce n’est pas fini. Des mecs meurent et repoppent gratuitement, des personnages sont violemment sous exploités, beaucoup de pistes vraiment prometteuses sont lancées puis ostensiblement abandonnées.

Alors ouais, on peut dire que cette course contre l’eau, dans cet univers sans réel sens est une métaphore poétique de l’absurdité endémique de l’existence, on peut chanter à corps perdu que la poésie habite les recoins obscurs de l’idiotie quotidienne… ouais, on peut. À ce tarif-là, on peut chanter sous la pluie dans un costume trois-pièces gris en faisant des claquettes dans les flaques et en emmerdant le monde avec sa joie de vivre, vomir des arcs-en-ciel et prendre l’apéro avec Mika…

Mon substantifique cynisme me pousserait plutôt vers la thèse d’un foutage de gueule sous contrôle, délicat et bien planifié. C’est une expérience de lecture tout à fait étrange, pas fondamentalement constructive, pas complètement agréable, mais qui peuple l’imaginaire et donne le goût d’en lire encore?

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