L’action politique
Les élections française et québécoise étant maintenant derrière nous, je pense qu’il serait doux de prendre un temps et de souffler un peu. Ah. La sentez-vous, cette douce torpeur politique dans laquelle nous sombrons de nouveau, tranquillement, comme quand on se glisse dans les draps, gelés par ces soirées tristes, avec la délicate promesse d’une chaude somnolence réparatrice? Sincèrement, après ces débats, ces ébats, ces gesticulations, ces hurlements et autres barbaries médiatiques, retourner à mon apathie est une délectation.
Une chose frappante (en tout cas, qui m’a frappé moi) est cette réduction forcenée du politique à la réaction, de la planification à l’action. Le changement c’est maintenant, Debout!, C’est assez, etc. Des slogans fort séduisants, certes, mais totalement dénués de réalité politique. Il faut changer les choses ici et maintenant! Mwouais. Pas sûr.
Pour faire une action, il faut une envie ou une idée de faire quelque chose. Puis trouver une manière de le faire et enfin se confronter à la matière, à la réalité et agir. En société, la séquence est semblable quoiqu’un peu plus complexe. Explications.
À l’échelle d’une nation, je pense qu’il faut faire une distinction claire entre notre réalité quotidienne, le contexte dans lequel elle existe et les instances qui la régissent. En somme, nous vivons dans des logiques instanciées, réifiées forgées par des groupes de pouvoir. J’achète mes légumes dans un supermarché (ma réalité) parce que la nourriture est moins chère et plus accessible dans les grands magasins (logique de la grande distribution libéralisée) qui sont eux-mêmes régentés par des courants politiques (les gouvernements qui imposent des taxations).
On voit donc trois points d’entrée pour induire un changement social : l’action directe et locale sur la réalité (changer de fruiterie, bruler un Mc Do, créer une coop ou un plus gros supermarché etc.), transformer les logiques (éducation, travail sur l’épistémé, etc.) ou changer les manières dont les logiques prennent réalité (encadrement administratif ou juridique, lois, facilitations économiques, etc.). Si nous revenions à l’échelle d’un individu pour réfléchir aux possibles on aurait : il est possible d’agir (avec une idée et un mode de réalisation), travailler à élargir les modes de réalisations (pour pouvoir plus agir) ou trouver de nouvelles idées (pour élargir le potentiel d’action).
Le politique devrait donc être essentiellement dans la dernière partie (instanciation de l’épistémè) avec une possibilité d’action directe et locale en cas de soucis majeurs et d’influer sur les logiques (éducations, médias, opinion publique, etc.). Cependant, dans le discours électoral, on remarque que les propositions se placent uniquement dans le cadre de l’action directe. C’est une aporie : on assiste à une individuation du politique, c’est-à-dire, à du politique qui se réduit à un actant. Proposer de faire le ménage dans Hydro-Québec, de bloquer le prix de l’essence ou régler la crise étudiante ne constituent pas des propositions politiques. Ce sont des actions directes sur la réalité qui ne travaillent ni la logique, ni comment cette logique devient réelle.
Je pense donc que tout discours, politique, qui se résume à une action directe sans influences sur la logique sociale ni réformes des manières dont cette logique s’instancie doit être considéré comme un discours faible, séducteur et probablement trompeur. Les discours seront certes nettement moins excitants, mais je suis convaincu que c’est la seule manière de renouer avec la conscience politique.